“Les jeunes gens modernes aiment leurs mamans» : consacré par une fameuse couverture du magazine Actuel en février 1980, sur laquelle ses musiciens posaient en compagnie de leurs mères, le groupe Marquis de Sade (MDS) est demeuré, malgré une carrière météorique, l’emblème de la scène post-punk française – et de la bouillonnante scène rock rennaise de l’époque. Formé par Franck Darcel et Christian Dargelos en 1977, bientôt rejoints par le très charismatique chanteur Philippe Pascal, MDS a imposé dans le paysage français, en deux albums – Dantzig Twist (1978) et Rue de Siam (1981), réédités par Barclay en 1989 –, un style très original, marqué autant par le rock new-yorkais et visionnaire du Velvet Underground (John Cale en particulier), de Television ou des Talking Heads que par la nouvelle vague britannique (Joy Division, Wire, Cure), et nourri de références littéraires et picturales. L’une des particularités de ce rock “européen”, sombre, élégant et lettré est la place dévolue aux cuivres (les saxophones de Daniel Pabœuf et Philippe Herpin, la trompette d’Éric Le Lann), qui insufflent à une musique aux structures complexes des influences jazz. MDS explosera peu après la sortie de son deuxième album, en raison de dissensions entre ses membres.
Plusieurs de ses musiciens, dont Franck Darcel, participeront à Mythomane, premier album du jeune Étienne Daho, avant de former le groupe Octobre. Darcel a ensuite créé Senso, avec le chanteur Patrick Vidal, puis publié un album sous son nom, Atao, en 1995. Établi à Lisbonne pendant trois ans, durant lesquels il produit des groupes locaux, il est revenu à Rennes depuis 1999. Quant à Philippe Pascal, après avoir été de 1982 à 1991 le leader de Marc Seberg (dont le premier opus, 83, produit par Steve Hillage, reste l’un des plus grands albums de cold wave française), il a enregistré en 1994 un disque sous le nom de Philippe Pascale avec sa compagne Pascale Le Berre (ex-Complot Bronswick et Marc Seberg) ; il est récemment revenu à la tête d’une formation de blues, Philippe Pascal & The Blue Train Choir.
Conrad Veidt, c’est LE titre de Marquis de Sade : non seulement son “tube” le plus fameux, mais aussi celui qui capte la quintessence de l’esprit du groupe. S’y exprime notamment la fascination de Philippe Pascal – palpable également dans un jeu de scène convulsif qui pouvait faire songer à celui de Ian Curtis – pour l’expressionnisme (Conrad Veidt est l’acteur principal du Cabinet du Docteur Caligari). Initialement paru sur Dantzig Twist, Conrad Veidt a été ici remixé par Philippe Maujard, alias Ubik.

David Sanson