Formé à Rennes en 1981 autour d’Arnaud Le Brusq (chant), François Possémé, alias Nikolaï Ada (guitare), et Yves-André Lefeuvre (batterie), le groupe, ou plutôt le collectif Complot Bronswick a décrit l’une des trajectoires les plus originales de la scène post-punk française, et véritablement visionnaire dans sa volonté d’embrasser toutes les disciplines artistiques, et d’articuler la musique à des domaines tels que les arts plastiques et les arts de la scène. Érudit et fortement référencé, l’univers de Complot Bronswick, plus encore que chez les autres groupes de cette période, se réfère à toutes les avant-gardes artistiques qui ont transformé le XXe siècle, de Maïakovsky (titre de leur premier album publié en 1984 par Divine/Madrigal) à Yves Klein (l’album A kind of blue, 1990), en passant par Marcel Duchamp, alias Rrose Selavy (nom du label sur lequel a paru en 1994 le CD Complot). Cette fascination récurrente pour l’élément visuel – décelable également dans le titre de leur premier maxi, L’Image oubliée (Madrigal, 1981), ou encore derrière le nom du label qu’il a fondé en 1988, Iconaki – culmine en 1991 avec le spectacle Radix, délirant hommage au futurisme et à la Russie constructiviste créé à Leningrad, puis à la Grande Halle de la Villette. Musicalement, cela se traduit par de perpétuelles mutations. Dès le départ, s’il évoque parfois celui d’autres groupes Madrigal (à commencer par les excellents et russophiles Néerlandais de Mecano, notamment dans les basses omniprésentes, le traitement des guitares et des voix), le langage de Complot Bronswick embrasse un champ qui entraîne la cold wave du côté du cabaret ou du théâtre. Il est sous-tendu par une certaine vision paneuropéenne qui le rapproche de groupe comme Marquis de Sade ou ceux du label bruxellois Crammed Discs (on retrouve d’ailleurs, sur l’album A kind of blue, la chanteurse Anneli Drecker de Bel Canto ou encore Peter Principle de Tuxedomoon). Activement postmoderne, volontiers épique et fortement évocatrice, la musique de Complot Bronswick s’orientera par la suite vers de nouveaux rivages, explorant une veine tantôt plus ambient, tantôt plus rock, à dominante électronique et toujours, littéralement, expérimentale. Singulier creuset, à la géométrie variable et à l’identité floue, de la scène rock rennaise (on retrouve dans ses rangs des membres des Nus, de Marc Seberg ou de End of Data), Complot Bronswick est toujours en activité aujourd’hui.
Extrait de l’album Maïakovsky, le morceau La guerre est déclarée, avec ses allures de manifeste, est l’un des plus fameux du groupe. Il a été entièrement réenregistré et réinterprété pour Echo Location.

David Sanson